Par ce moyen, on termine aussi les anciennes disputes sur la participation des animaux à la loi naturelle ; car il est clair que, dépourvus de lumières et de liberté, ils ne peuvent reconnoître cette loi ; mais, tenant en quelque chose à notre nature par la sensibilité dont ils sont doués, on jugera qu’ils doivent aussi participer au droit naturel, et que l’homme est assujetti envers eux à quelque espèce de devoirs. Il semble en effet que si je suis obligé de ne faire aucun mal à mon semblable, c’est moins parce qu il est un être raisonnable que parce qu’il est un être sensible, qualité qui, étant commune à la bête et à l’homme, doit au moins donner à l’une le droit de n’être point maltraitée inutilement par l’autre.
Jean-Jacques Rousseau, Discours sur l’origine de l’inégalité parmi les hommes, 1755, préface